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Biocarburants : controverses autour du projet de Total à La Mède

L’utilisation prévisible d’huile de palme inquiète les ONG et les futurs concurrents du groupe en France.

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La raffinerie Total de La Mède a cessé de trait du pétrole brut en décembre 2016

Par Anne Feitz

Publié le 22 juin 2017 à 19:15

La reconversion de la raffinerie de Total à La Mède, près de Marseille, n’a pas fini de susciter des controverses. En avril 2015, le groupe pétrolier avait Total va arrêter de produire du brut à La Mède sur ce site des Bouches-du-Rhône et sa volonté d’y produire -notamment- du biodiesel. Deux ans plus tard, ce projet inquiète non seulement les ONG environnementales mais aussi les producteurs de biodiesel en France, qui y voient « une concurrence déloyale » pour reprendre le terme de l’un d’entre eux.

Total prévoit de produire 500.000 tonnes de biodiesel dit « HVO » (huile végétale hydrotraitée). Or il apparaît désormais que cette production, qui nécessite de traiter 650.000 tonnes d’huile comme matière première, Total va devenir un importateur important d’huile de palme -du moins dans un premier temps.

Doutes sur le gisement d’huiles usagées

Total explique que son usine permettra de traiter des huiles résiduelles et huiles usagées pour 30 à 40 %, mais les experts sont dubitatifs sur l’existence d’un gisement suffisant. Même Suez et Total convertissent l’huile usagée en biodiesel , portant sur 20.000

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 Dans les conditions actuelles du marché, c’est avec l’huile de palme que la bioraffinerie aura les meilleurs résultats économiques

tonnes d’ici à 10 ans (et 5.000 tonnes d’ici deux à trois ans), suscite des doutes. Par ailleurs, parmi les huiles végétales utilisables pour le solde, l’huile de palme est largement la moins chère (20 à 25 % de moins que le colza, par exemple). « Dans les conditions actuelles du marché, c’est avec l’huile de palme que la bioraffinerie aura les meilleurs résultats économiques », reconnaît Christophe Vuillez, directeur stratégie de la branche Raffinage-Chimie.

Dès avril dernier, l’ONG « Les amis de La Terre » a vivement dénoncé le projet, rappelant que a production d’huile de palme conduit à la déforestation en Indonésie et en Malaisie. Total assure que ses fournisseurs seront soigneusement choisis selon des critères de durabilité.

Risques pour la filière française

Les producteurs français actuels de biodiesel évoquent plutôt, eux, les risques pour la filière française et ses 12.000 emplois directs (des producteurs de colza aux opérateurs des usines). Si Total assure que le biodiesel HVO de la Mède trouvera largement sa place en Europe (la France importe aujourd’hui 700.000 tonnes, soit un quart des 2,9 millions de tonnes consommées), les représentants de la filière craignent qu’il les concurrence directement.

Car il sera moins cher que le biodiesel produit à partir de colza, qui représente 90 % de la production française actuelle. « La production de la filière (1,8 MT/an) est déjà inférieure à la capacité française (2,4 MT) », dit Kristell Guizouarn, présidente du syndicat professionnel Estérifrance. « Et Total qui est aujourd’hui notre principal client, utilisera logiquement d’abord sa propre production. Or celle-ci représentera près du tiers de la production actuelle : c’est énorme ! ».

Projet de directive européenne

Le groupe Avril, principal producteur de biodiesel, est monté au créneau à Bruxelles pour défendre l’interdiction d’huile de

Si la directive européenne est maintenue, nous devrons fermer toutes nos unités à partir de 2021

palme dans les biocarburants. La filière se sent d’autant plus menacée qu’un projet de directive européenne prévoit de réduire le plafonnement des biocarburants de première génération (issus de l’agriculture), et de supprimer l’objectif contraignant à 2030 qui existe aujourd’hui (15 % de biocarburants incorporés). «  Si la directive européenne est maintenue, nous devrons fermer toutes nos unités à partir de 2021», poursuit Kristell Guizouarn.

Prévu à l’origine pour 2017, le démarrage de l’usine est selon Total désormais programmé pour mi-2018. L’enquête d’utilité publique vient tout juste de s’achever, et le groupe attend maintenant l’autorisation d’exploiter. Total a prévu d’investir 275 millions d’euros dans la reconversion de la raffinerie, sauvegardant ainsi 250 emplois sur 430.

Anne Feitz

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